L’azote moléculaire (N2) enfin détecté sur une comète grâce à Rosetta
La sonde cométaire Rosetta de l’ESA a, pour la première fois, mesuré l’azote gazeux d’une comète et ainsi fourni des indices sur les premiers stades de formation de notre système solaire. Les conclusions de l’étude menée par une équipe internationale dont des chercheurs de laboratoires français1, sous la direction de Martin Rubin de l’Université de Berne, ont été publiées dans la revue « sciences ». Elles indiquent notamment que les océans terrestres ne peuvent dériver de contributions de comètes de type Chury.
L’azote moléculaire, N2, principale molécule de l’atmosphère terrestre, est également présent dans les atmosphères et les surfaces de Pluton et de Triton, le satellite de Neptune. N2 était sans doute la forme principale d’azote dans la nébuleuse proto-solaire, c’est-à-dire le nuage de gaz et de poussière à partir duquel le système solaire s’est formé. C’est à la recherche de cette molécule que Martin Rubin et ses collègues se sont lancés avec le spectromètre de masse ROSINA embarqué sur la sonde Rosetta pour étudier la comète 67P / Churyumov-Gerasimenko, dite "Chury".
Pour la première fois, des scientifiques ont pu détecter des molécules d’azote comètaire. Bien que certaines comètes comme "Chury" aient probablement été formées dans la même région que Triton et Pluton, il n’avait pas encore été possible de détecter de l’azote moléculaire. En effet les moyens de télédétection et d’’analyse in situ n’étaient jusqu’à présent pas suffisamment sensibles et précis pour détecter les infimes quantités d’azote moléculaires piégées dans la glace d’eau d’une comète. L’équipe a effectué les mesures avec le spectromètre de masse ROSINA, construit à l’Université de Berne et embarqué sur Rosetta, la sonde cométaire de l’Agence Spatiale Européenne. La sonde est arrivée à proximité de la comète en Août 2014, après un voyage de dix ans dans l’espace, elle analyse depuis la composition des gaz émis par la comète lors de la sublimation de la glace. ROSINA a la résolution de masse requise pour distinguer des molécules qui ont des poids moléculaires presque identiques, ce qui est le cas du monoxyde de carbone et de l’azote moléculaire. C’est une formidable réussite pour l’équipe de voir que cet instrument, conçu et construit il y a près de 20 ans, offre enfin les données tant convoitées acquises à 500 millions de kilomètres de la Terre.
Cette découverte a deux principales implications. Elle indique d’abord une température très froide, sans doute inférieure à 30 K, pour la formation de la glace cométaire. Ces objets ne se sont pas réchauffés depuis 4,5 milliards d’années. Ensuite, elle conforte l’idée que l’azote terrestre ne provient probablement pas de comètes de type Chury. En effet, N2 est présent en quantité très faible comparé à d’autres molécules cométaires porteuses d’azote telles que HCN, CN et NH3. Pour ces dernières, les compositions isotopiques, mesurées à distance sur d’autres comètes, indiquent des enrichissements importants en azote-15 par rapport à l’azote terrestre. Même si N2 détecté dans Chury était très pauvre en 15N, la composition isotopique globale de l’azote cométaire serait différente de celle de la Terre. Cette découverte conforte la mesure du rapport isotopique deuterium/hydrogène par la même équipe indiquant que les océans terrestres ne peuvent dériver de contributions de comètes de type Chury.
Avec la découverte de l’azote moléculaire dans la comète Chury c’est une pièce du puzzle concernant le rôle joué par les comètes de la famille de Jupiter dans l’évolution du système solaire qui vient d’être posée. Mais le puzzle n’est pas encore terminé. Rosetta et Chury se rapprochent du Soleil et le dégazage de la comète va augmenter fortement. Certains gaz à l’état de trace tels que les gaz rares pourront alors être analysés, ce qui permettra de donner des contraintes fortes sur la composition du coktail cosmochimique à l’origine des atmosphères des planètes internes.
Note(s) :
• Physikalisches Institut, University of Bern, Switzerland.
• Center for Space and Habitability, University of Bern, Switzerland.
• Department of Geoscience, Tel-Aviv University, Israel.
• LATMOS/IPSL-CNRS-UPMC-UVSQ, France.
• Department of Atmospheric, Oceanic and Space Sciences, University of Michigan, USA.
• Laboratoire de Physique et Chimie de l’Environnement et de l’Espace (LPC2E), CNRS – Université d’Orléans, France.
• Belgian Institute for Space Aeronomy, BIRA-IASB, Ringlaan, Belgium.
• Institute of Computer and Network Engineering (IDA), Germany.
• Department of Space Science, Southwest Research Institute, USA.
• Max-Planck-Institut für Sonnensystemforschung, Germany.
• Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques, CRPG-CNRS, Université de Lorraine, France.
• Aix Marseille Université, CNRS, LAM (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille), France.
• Institute for Astronomy, University of Hawaii, USA.
• IRAP Université de Toulouse ; UPS-OMP France.
Source(s) :
Molecular nitrogen in comet 67P/Churyumov-Gerasimenko indicates a low formation temperature. M. Rubin, K. Altwegg, H. Balsiger, A. Bar-Nun, J.-J. Berthelier, A. Bieler, P. Bochsler, C. Briois, U. Calmonte, M. Combi, J. De Keyser, F. Dhooghe, P. Eberhardt, B. Fiethe, S. A. Fuselier, S. Gasc, T. I. Gombosi, K. C. Hansen, M. Hässig, A. Jäckel, E. Kopp, A. Korth, L. Le Roy, U. Mall, B. Marty, O. Mousis, T. Owen, H. Rème, T. Sémon, C.-Y. Tzou, J. H. Waite, P. Wurz, , Science, 2015
Contact(s) :
• Bernard Marty, Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CNRS-Université de Lorraine))
bmarty@crpg.cnrs-nancy.fr, 03 83 59 42 22 & 06 78 03 28 99